Les habitants de L’Isle de Jean-Charles premiers réfugiés climatiques aux États-Unis ?
Alors que la lumière orangée frise encore le sol, l’autobus scolaire s’arrête un instant au bord de la route étroite. Les élèves y montent puis le bus repart vers sa destination, l’école élémentaire de Pointe-au-Chien.
Le chemin, un bras de terre de quelques mètres de largeur, est souvent inondé, mais c’est le seul moyen de se rendre à l’école de la petite île. Au loin, une installation d’une compagnie pétrolière rappelle que ces voyages quotidiens sont condamnés. Tôt ou tard, c’est toute l’île qui disparaîtra faisant de ses habitants les premiers réfugiés climatiques américains.
Marie-France Coallier, photojournaliste pour le journal Le Devoir, a été envoyée afin de couvrir trois histoires en Louisiane, aux États-Unis. L’une d’elles traitait de l’impact des changements climatique sur l’Ile de Jean-Charles et sa communauté.
Ce tronçon de terre située dans les bayous de la paroisse de Terrebonne Sud au large de la Louisiane est la demeure de la tribu Biloxi-Chitimacha-Choctaw. Cette dernière a fait de ces lieux son territoire après y avoir été déplacée à cause des politiques de le Indian Removal Act. Proposée par le président Andrew Jackson en 1830, cette loi ordonnait l’expulsion au-delà du Mississippi de 60 000 Amérindiens qui vivaient entre les treize États fondateurs et ce même fleuve.
Depuis sa déportation, la tribu francophone s’est réapproprié ces quelques kilomètres émergés,
a investi ces terres et les a cultivées.
Aujourd’hui leur territoire s’enfonce dans la mer, disparaissant sous leurs yeux. L’île est menacée par de nombreux problèmes environnementaux. L’érosion côtière, le manque de renouvellement du sol et l’intrusion d’eau salée dans les nappes phréatiques causée par le dragage par des compagnies pétrolières et gazières sont tous des facteurs menaçants la survie des lieux.
En somme, l’archipel de la Louisiane perd chaque heure l’équivalent d’un terrain de football sous les eaux. Mais l’île de Jean-Charles est l’une des plus à risque. Déjà, plusieurs habitants ont quitté l’île, fatigué des inondations annuelles et des ouragans. En 1955, ils étaient environ trois cents à y vivre, aujourd’hui ils ne sont plus qu’une quarantaine.
Comme l’explique Marie-France, la situation est tellement précaire que l’État a proposé de déplacer les habitants : « Il y a eu un plan de relocalisation qui a été fait par l’état de la Louisiane pour leur permettre d’aller vivre un peu plus au nord, dans la ville de Houma. Mais ils sont nombreux à résister. Le chef de la tribu veut empêcher de disséminer la population à travers le sud de Louisiane. Je pense que l’on veut vraiment préserver leur héritage, leur culture et leur tradition ».
Si l’île de Jean-Charles est un précurseur aux États-Unis, le phénomène des réfugiés climatiques est destiné à prendre de l’ampleur. Selon la Banque Mondiale, d’ici 2050, 143 millions de personnes pourraient être forcées de se relocaliser en raison de la montée des eaux partout dans le monde.
Marie-France Coallier est une photojournaliste basée à Montréal.
Passionnée par le genre humain, sa quête est de retracer l’authenticité à travers les regards des autres.
Diplômée en Communications et Photographie à l’Université d’Ottawa, son travail a été publié dans plusieurs journaux : Journal de Montréal, Magazine Voir, Montreal Daily News, Toronto Star, Montreal Gazette pendant une vingtaine d’années et Le Devoir.
Ses photos ont fait partie d’une exposition collective à Expo World Press Photo Montréal, en 2010 et au projet Photosensitive sur la pauvreté chez les enfants au Canada en 2001.
Son travail a été reconnu au Prix Antoine-Desilets, au Prix Focus Desjardins en 2019, à l’Association des Photographes de Presse du Canada 2019 et 2020 et au Siena International Photo Awards 2019 et 2020.
Alexis Aubin
Alexis Aubin a étudié les communications à l’UdeM et la photographie au collège Marsan. Que ce soit comme photojournaliste ou en tant que communicateur pour des organismes humanitaires, il utilise les médias afin de sensibiliser et informer sur les défis auxquels nous devons faire face collectivement.