1528 est le nombre présumé d’exécutions extrajudiciaires qui ont été menées par les Forces armées indiennes dans l’État de Manipur entre 1979 et 2012.
Dans quelques régions de l’Inde, les forces de l’ordre se voient octroyer des pouvoirs spéciaux afin de maintenir l’ordre public dans les « états dérangés ». L’Acte de pouvoir spécial des Forces armées (ASFPA) a d’abord été promulguée par les Britanniques en 1942 pour supprimer le mouvement « Quit India » puis utilisé par les gouvernements indiens pour réprimer les mouvements dissidents.
Selon cette loi les officiers des forces armées ont entre autres le pouvoir de tirer ou utiliser la force contre un contrevenant à la loi, même si cela cause la mort, pénétrer dans tout lieu et arrêter sans mandat toute personne qui a commis des infractions notoires ou dont on peut raisonnablement soupçonner qu’elle les a commises. Toute personne agissant en vertu de cette loi est à l’abri de poursuite judiciaire.
Rohit alors étudiant entend parler du phénomène en août 2016, lorsque la militante des droits sociaux et poétesse Irom Sharmila met fin à une grève de la faim de 16 ans pour l’abolition de l’ASFPA.
Elle a entamé cette quête suite à l’exécution de dix personnes à un arrêt d’autobus par les Forces armées dans un petit village du nom de Malom. Après des années de militantisme, elle fonde un parti politique afin de poursuivre sa lutte contre la loi spéciale.
Rohit se rend alors à Manipur afin de documenter le lancement du parti. Puis il devient bénévole pour l’Extra Judicial Execution Victim Families Association, Manipur ou EEVFAM. C’est là qu’il prend conscience de l’ampleur et la fréquence des exécutions sommaires dans la région. Le massacre de Malom bien qu’il soit le plus connu n’est qu’un parmi des centaines d’autres cas. Rohit découvre les archives de l’organisme qui bien qu’elles contiennent des centaines de dossiers ne forment que la pointe de l’iceberg.
« Quand j’ai ouvert les dossiers, c’est là que j’ai réalisé : « Ok, ce n’est plus qu’un projet d’école, on parle de vies, on parle de comment les gens ont été affectés… Puis, toute cette attente… l’attende pour que justice soit faite, l’attente du retour des victimes à la maison ».
Chaque jour, Rohit numérise et organise les documents laissés par les familles des victimes. Il s’imprègne de ces témoignages puis retourne le soir sur les lieux des exécutions et photographie en évoquant les événements passés ainsi que le mystère qui les entoure.
« Plutôt que regarder et photographier, je sentais et photographiais. C’était une sorte de transe, d’état second. À chaque fois, que je sortais du bureau après avoir lu sur ces meurtres j’allais marcher alors que les souvenirs étaient encore frais. Je crois que ces moments ont orienté ma réaction aux lieux. J’ai donc continué à aller dans différents quartiers, dossier après dossier ».
1528 est composé de photographies noir et blanc fortement contrastées qui évoquent une violence omniprésente, mais invisible. Les coupures de journaux et autres documents qui les accompagnent les ancres dans le réel comme des éléments de preuve à préserver. Ses images oniriques prêtes à s’évanouir dans l’obscurité, rappellent pourtant ces événements que plusieurs n’oublieront jamais.
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