Rebâtir le ciel
Certaines découvertes transforment la conception que l’humain a de lui-même et de la place qu’il occupe dans l’univers. Galilée lorsqu’il critiqua le géocentrisme et prouva que la Terre tournait bien au tour du soleil a eu l’effet d’une bombe. Les croyances chrétiennes en ont été profondément affectées. Face à de telles révolutions, les systèmes établis tentent malgré tout de se ramener à un état d’équilibre.
Galilée sera jugé, on dira que tout cela est faux. Mais la réalité confirmera les dires de l’astronome. C’est un long processus que de normaliser une idée qui va à l’encontre des conceptions préétablies du monde.
Selon li photographe Simon Émond, nous traversons une de ces crises. Depuis le début des années 90, des auteurs comme Judith Butler ont mis en évidence la distinction entre le sexe, le genre et l’orientation sexuelle. Si le sexe est un élément biologique de l’être, le genre fait partie du « persona », il est appris et performé. Comme l’ensemble de notre vision du monde, la conception de genre est influencée par la culture, la famille, les médias, etc.
Le projet de Simon « rebâtir le ciel » émane d’un besoin de parler de la situation des personnes LGBT+. Spontanément, iel lance un appel à la collaboration sur internet. La réponse dépasse largement ses attentes, plus d’une centaine de personnes li contacte afin de témoigner à propos de leur vécu. Il décide d’en rencontrer 33 de tout spectre du genre.
Même l’auteurice par ce processus se découvre davantage, ne se voyant plus comme un homme homosexuel, mais une personne transidentitaire et agenre.
C’est la nuit qui porte le projet. Son ciel, ses étoiles et aussi son intimité invitent à la prise de possession des lieux, du territoire. L’obscurité permet alors de déconstruire l’espace comme les identités, de genre à agenre de lieu à non-lieu.
C’est cette profonde transformation qu’a voulu exprimer Simon au fil de ces rencontres : « On est actuellement dans une révolution du genre. Il y a plein de gens qui disent que le modèle hétéronormatif, binaire est révolu comme le géocentrisme. C’est vraiment ça qu’on vient mettre en lumière [avec ce projet] ».
La photographie a un rôle prépondérant afin de rendre visibles des aspects de l’expérience humaine qui demeurent habituellement invisibles. Par contre, la photographie et le documentaire sont des milieux principalement masculins, blancs et privilégiés qui parlent souvent de réalités qui ne sont pas les leurs.
Il y a une profonde réflexion actuellement sur la pluralité des voix en documentaire. « À qui revient donc la parole » ? Si plusieurs critiques émergent face au monopole des discours par de petits groupes, le travail de Simon parle avant tout de son auteurice. Il trouve sa place dans la discussion plutôt que le monologue. Une contribution à cette quête incessante afin de savoir qui nous sommes et ce qui compose nos identités.
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