Un démineur à l'oeuvre à « El Bunker » un champ miné d'environ deux kilomètre en bord de route à Vista Hermosa. Vista Hermos, Meta, Colombie - 6 juillet 2017
Une Terre Mutilée
Photos par Alexis Aubin
Propos recueillis par Laurence Butet-Roch
Publié le
Alexis Aubin, photographe
“Suite à l’accord de paix survenu en novembre 2016 entre le gouvernement colombien et les FARC, de nombreuses questions restent en suspens, dont notamment la question des mines antipersonnelles qui parsèment le territoire, résidus d’un conflit qui malheureusement continuent d’affecter des populations civiles et d’où l’importance de la campagne de déminage. Jusqu’à présent, les efforts sont en deux temps. D’abord, les études non-techniques. Une équipe de quatre ou cinq personnes se rendent dans les villages et rencontrent les habitants afin de gagner la confiance de la population, expliquer leur présence, récolter des informations et identifier les zones dangereuses. Une fois cette étape complétée, c’est au tour des démineurs de faire leur travail. La topographie accidentée de la Colombie et son sol friable rend la tâche plus difficile. De plus, il ne s’agit pas de mines industrielles. Le gouvernement ayant signé l’accord d’Ottawa en 1997 contre la prolifération de mines anti-personnelles, il s’est engagé à éliminer celles utilisées par l’armée. Donc, il reste principalement celles posées par les guérillas communistes fabriquées à partir de bouteilles de verres ou de plastiques, des tuyaux de PVC, etc. Le système utilise un seringue comme détonateur. Il est important aussi de rappeler que s’il y a autant de mines dans le pays, c’est notamment en réponse au Plan Colombia initié par les États-Unis pour lutter contre les groupes d’extrême gauche. Afin d’éviter les affrontements directs avec l’armée nationale dont l’arsenal devenait de plus en plus imposant grâce à l’appui des Américains, les groupes rebelles ont eu recours aux mines artisanales.
Le démineur Victor Alfonso Franco Montaya alors qu’il arrive au point d’accueil du champs miné « El Bunker » zone de détente laissé aux FARC depuis les accords de paix avortés de 1998-2002. Vista Hermosa, Colombia – 7 juillet 2017
Simulation de sauvetage à la base de la Campagne Colombienne Contre les Mines Antipersonnel. Algeciras, Huila, Colombie – 8 mai 2017
Des démineurs se préparent à reprendre le travail. Ils travaillent 50 minutes consécutives pour 10 minutes de pause. Vista Hermosa Meta, Colombie, 6 Juillet 2017
Un chien démineur joue avec son maître lors d’un exercice. Leur odorat permettent de vérifier des centaines de mètres carrés par jour alors qu’un démineur peut faire de 3 à 6 mètre durnat un quart de travail. Vista Hermosa, Colombie – July 8th 2017
Une pratique de sauvetage à la base de la Camapagne Colombienne Contre les Mines Antipersonnel. Le travail de démineur est considéré comme l’un des 10 métiers les plus dangereux. Algeciras, Huila, Colombie – 6 Avril 2017
Adriano Gutierrez Hinestroza, superviseur des opérations, réinitialisant une fausse mine lors d’une formation. Les démineurs apprennent à détecter les indices de présence de mines antipersonnel. Algeciras, Huila, Colombie – 11 Mars 2017
Une carte utilisée pour des ateliers sur l’éducation au risque des mines antipersonnel. Les enfants doivent mettre des crânes là où il y a risque de présence de mines terrestres. Tierra Alta, Cordoba, Colombie – 14 juin 2017
Aujourd’hui, même si l’armée a créé un bataillon dont le mandat est le déminage, une grande partie des efforts est effectuée par des organisations civiles locales et internationales. La plupart des démineurs sont donc des villageois, des fermiers de la région qui connaissent des victimes et veulent faire leur part pour venir en aide à leur communauté. Plus que quiconque, ils savent quels impacts les mines ont non seulement sur la survie et le bien-être de leurs proches, mais aussi la santé économique, sociale et culturelle de leur région. À titre d’exemple, le premier survivant que j’ai rencontré a perdu ses deux mains et 80% de sa vue. Il était obligé de faire 4 heures de route pour rencontrer Guillermo Gil, le propriétaire d’un centre de réhabilitation pour victimes de mines antipersonnel, qui pouvait signer en son nom auprès de la banque et ainsi lui permettre de retirer des sous. À plusieurs égards et de manière générale, il existe peu d’aide pour les victimes en dehors des ONGs car le système de compensations gérés par le gouvernement est extrêmement bureaucratique et compliqué. Force est de constater, qu’en Colombie, les ONGs font trop souvent le travail de l’État.”
Rafael Cuellar, démineur
“Je suis devenu démineur surtout pour venir en aide à ma communauté. Je veux décontaminer mon pays centimètre par centimètre pour être en mesure d’avoir une campagne sans mines. Et, si j’ai le courage de faire ce travail c’est car je pense aux victimes qui sont ici, dans notre pays.
Nous suivons des mesures de sécurité très sûres. Nous entrons toujours dans un champs miné par une voie d’un mètre de large. Arrivés dans notre espace de travail, l’examinons rigoureusement en commençant par le haut et en allant vers le bas. Puis, nous passons un détecteur de métal de gauche à droite trois fois devant nous. Si tout va bien, nous coupons alors la végétation sur un espace de 25 x 25 cm et nous palpons le sol très doucement pour retirer les débris laissées par les plantes. Nous reprenons alors le détecteur de métaux pour un second double balayage, cette fois-ci de droite à gauche. S’il n’y a pas de signal nous avançons de 30cm. Si nous repérons une mine, nous la signalons avec un cône et nous attendons les directives du chef d’équipe.
J’aimerai que la communauté internationale nous comprenne et nous soutiennent davantage. Même si nous faisons un travail dangereux, nous n’avons pas peur. Mes collègues et moi faisons du mieux que nous pouvons. Mais comme c’est une tâche lente, il faut de la patience et des ressources sur le long terme. À cet égard, on a besoin d’un peu plus d’aide.
Les photos d’Alexis Aubin me touchent car elles montrent des personnes qui ont perdues certains de leurs membres à cause des mines et de l’impact social que cela a eut pour eux, ainsi que des risques que nous prenons pour éviter que la situation perdurent. Mais en même temps, des images ne peuvent pas tout montrer, par exemple, les discussions que nous avons pour nous libérer la conscience et rester concentrer sur notre travail qui est de nettoyer nos zones.”
Francy Milena Tenorio Bautista essaie un casque de démineur pour la première foir. Algeciras, Huila, Colombie – 8 mars 2017
Andres ancien membre des FARC-EP et maintenant travaillant pour la Campagne Colombienne Contre les Mines antipersonnel coupe de hautes herbes avec une machette avant de fermer l’accès à une zone contaminée. Algeciras, Huila, Colombie – 7 avril 2017
Des démineurs se reposent après une journée de travail. Généralement les camps sont déployer sur la propriété d’un membre de la communauté. Ils reçoivent une petite compensation monétaire pour l’hébergement. Vista Hermosa, Meta, Colombie – 6 juillet 2017
Juan Camilo Morales Valencia lors d’un examen de santé à la base de la CCCM. Algeciras, Huila, Colombie. 3 décembre 2016
Des démineurs lors de leur déjeuner au camps temporaires de « El Bunker ». Vista Hermos, Meta, Colombie – 8 juillet 2017
Un démineur à l’oeuvre à « El Bunker » un champ miné d’environ deux kilomètre en bord de route à Vista Hermosa. Vista Hermos, Meta, Colombie – 6 juillet 2017
Un ruban délimitant une zone contaminée. La topographie de la Colombie rend le déminage très complexe. Algeciras, Huila, Colombie – 7 avril 2017
Claudio Bravo membre de l’équipe d’étude non-technique de la Campagne Colombienne Contre les Mines Antipersonnel alors qu’elle prend une mesure de géolocalisation. Algeciras, Huila, Colombia – 7 Avril 2017
Jaime (27) alors qu’il quitte la chambre qu’il partage avec sa mère au centre de santé « vivir bien » de Monteria. Il a été blaissé par une mine dans le département du Choco o il coupait du bois. Monteria, Cordoba, Colombie – 15 juin 2017
Une moto approchant « El Bunker ». Vista Hermosa est la municipalité qui compte le plus de vitime de mines antipersonnel en Colombie. Vista Hermosa, Meta, Colombie – 6 juillet 2017
Un pochoir de l’artiste Dj Lu sur un mur de Bogota. Le conflit influece grandement la culture et l’art colombien. Bogota, Colombie – 23 Août 2016
Isidoro Cepeda Ramirez se lave le visage à « La Granja », un centre de réhabilitation pour victime de mines antipersonnel. Il s’est fait amputé les deux mains après avoir chuté sur une mine. Giron Santander, Colombie – 5 Août 2016
Antonio José Orozco Medrama durant une rencontre à CIREC un centre prothésiste de Bogota. Il a été accidenté 26 février 2005 à Carmen de Bolivar alors qu’il faisait partie du Batallon Baffin 2 de l’infantrie de la Marine. Bogota, Colombie – 24 Avril 2017
Matériel de prothèse. Bogota, Colombie – 24 Avril 2017
Funéraille de Yorman Gonzalez. Alors qu’avait lieu de la première cérémonie de signature des accords de paix le 26 septembre 2016 à Cartagène, le garçon de 6 ans a trouvé une grenade abandonnée. Il a succombé aux blessures causées par l’explosion peu de temps après. Algecira, Huila, Colombie – 29 septembre 2016
Oscar Antonio Lazaro Camargo survivant en compagnie de son épouse Olg Lucia Agudelo Verono lors d’une rencontre de pair avec Jose Nicolas Petro Fuerte également survivant de mine s et président de l’asociation des victimes de mines antipersonnel du département de Cordoba (AVIMAC). Monte Libano, Cordoba, Colombie – 12 juin 2017
Un technicien forme des orthèses de main à l’usine de CIREC, Bogota un des principaux centre de réhabilitation pour personne amputé de la Colombie. Bogota, Colombie – 25 octobre 2016
Jonction du Rio Suarez, Rio Sogamoso et Río Chicamocha. Les mines terrestres sont présentent dans 31 des 32 départements et dans 50% des municipalités du pays. Elles ont été utilisés par divers groupes armés opérant dans le pays en tant que FARC, l’Armée de libération nationale ou les Autodefensas Unidas de Colombie. Santander, Colombie – 4 août 2016
Alexis Aubin
Originaire de Montréal, Alexis Aubin est basé à Bogota en Colombie. Après une formation en sciences sociales, il débute la photographie au Mexique en 2006. Depuis, il documente les problèmes sociaux en Amérique du Nord comme du Sud, pour des journaux et des ONG tels que Vice, La Presse, Le Devoir, Embassy News, United Nations Mine Action Service (UNMAS) et Norwegian People’s Aid (NPA). Son travail explore l’impact des pressions systématiques et des conflits sur les populations civiles.
Laurence Butet-Roch
Laurence Butet-Roch, dont l'amour pour le journalisme est né à travers la télésérie québécoise Scoop, a étudié en relations internationales à UBC et en photographie à SPAO qui l'ont menées à devenir photographe au sein du collectif Boréal, éditrice photo et journaliste. Consciente des innovations technologiques qui bouleversent aujourd'hui le milieu médiatique, elle complète actuellement une maîtrise en médias numériques à l'université Ryerson.